L'abbé Joseph Marie Gustave MOREL, docteur en théologie, licencié es lettres, licencié es sciences mathématiques, licencié es sciences physiques, professeur à l'institut catholique de Paris est né à Ban-de-Laveline, un jour de printemps, le 21 mars 1872 au hameau d'Algoutte.
La famille Morel fixée dans le pays depuis 2 siècles possédait toutes les qualités vosgiennes. Son père, attaché à sa terre, était d'idéal notable aimant la lecture et sachant réfléchir. Sa mère, active, pieuse était douée d'une infaillible mémoire et possédait un don inné de conteuse. Le jeune Gustave, dès ses premières années, écoutait sa mère évoquer des souvenirs de famille, parler de feu l'abbé L'Hommée, ancien curé de la paroisse, de l'abbé Bazelaire, de l'abbé Camille Morel son parrain, de l'abbé Noël son cousin. Gustave aimait la lecture et le silence pour ce faire, il n'hésitait pas à s'isoler sur les chaumes du Brézouard. Doué de l'excellente mémoire maternelle, de l'intelligence nette et pénétrante de son père, il se distingua très vite en classe. Les anciens du pays croyaient savoir qu'il avait passé son certificat d'études à dix ans.
A l'automne 1882, il entre au collège des Frères de Marie que dirigeait M. Walter. Ses professeurs voient aussitôt en lui un futur polytechnicien. Ses succès, ses facilités étonnantes firent que le "potache" fut envoyé à l'école Sainte-Marie de Besançon d'un niveau plus élevé. Gustave eut cette pensée en quittant ses Vosges : "On ne peut quitter Laveline et les chaumes du Brézouard sinon pour se donner à Dieu". Travailleur infatiguable, curieux de tout, il passe brillamment ses examens et à la suite d'un pélerinage à Lourdes en 1888, il décide d'abandonner polytechnique pour entrer au grand Séminaire de Saint-Dié. Il y mène de front les disciplines les plus diverses : la philosophie et en particulier les ouvrages de Platon, de Saint-Thomas, de Pascal, l'étude des vies des savants, les sciences, les mathématiques qui sont sa prédilection, se lance dans des travaux considérables sur les fameux "ovales conjugués de Descartes"... Il va à l'école des Carmes à Paris poursuivre des études et apprendre anglais et allemand. Ce futur prêtre mène une vie ascétique portant ceinture de fer et se donnant la discipline pour règle.
En 1897, sensible aux mouvements de pensées nouvelles, il questionne "Pourquoi faut-il que le clergé ignore tout ce qui se dit en dehors du cercle traditionnel ? Il faut sortir de la sacristie ! En prêtre, en humaniste, en philosophe, en mathématicien, il va, tous ses grades obtenus, se lancer "à l'assaut des âmes" selon ses termes mêmes en théologien positif qu'il était. Professeur au séminaire Saint-Vincent de Paul à Paris, ensuite professeur à l'Institut catholique de Paris où il est Maître de conférence, il a des échanges d'idées avec des auteurs venus d'Angleterre, d'Allemagne appartenant à l'anglicanisme et au protestantisme. Dirigé par M. Portal Supérieur du séminaire Saint-Vincent, il en vient naturellement à examiner les points de divergence des diverses églises et par conséquence logique, à calculer les moyens de rassembler ces mêmes églises. L'idée d'union des Eglises le tourmente et le pénètre peu à peu. Elle finit par prendre en son esprit sur les problèmes théologiques et philosophiques. Son immense culture ("vous qui savez tout" lui disait-on) sa brillante intelligence lui firent confier les enquêtes en Angleterre où il découvre la proximité des rites anglicans et romains. Il rencontre des personnages comme Griffith, Riley, Lord Halifax, Birbeck...
Il revient à Paris dresser ses rapports pour repartir en Allemagne en 1900 et analyser la théologie protestante notamment en suivant les cours du Professeur Harnack. il revient à Ban-de-Laveline passer 3 semaines de vacances. Il publie des études sur "le baptème chez les protestants" - "confession chez les anglicans" et reprend le bâton du voyageur pour l'Angleterre où il rencontre des Orientalistes. C'est alors qu'il se tourne résolument vers les moyens de réconciliation entre les églises. Sa ligne d'action à suivre, il la définit ainsi "union par le haut et non chercher à se prendre des frères un à un". On remarque que c'est exactement cette doctrine qui a dominé les travaux du Concile dernier Vatican II. Il part en 1903-1904-1905 enquêter sur les Eglises d'Orient. Là il trouve un clergé divisé en 2 tendances (trouve le moyen d'apprendre le russe entre-temps) l'une latine, l'autre anti-protestante et parfaitement réfractaire à toute idée d'union, non seulement intérieure mais à plus forte raison extérieure. Il vit trois dures années en Russie que l'on suit à travers ses carnets de route scrupuleusement tenus à jour, déplorant les discussions stériles, opposant les papes, rencontrant une incompréhension désolante. En Angleterre, en Allemagne, des courants vers l'unité des églises s'étaient dessinés qu'il avait lancés ou relancés. Il ne voit rien de semblable à travers la Russie qu'il parcourt dans les pires conditions morales et matérielles. Cependant 1905 lui apporte un espoir. Quelques intellectuels dont le noble Khnomakov le comprennent.
La Grotte, près de la Place Gustave Morel
La mort vient mettre un terme brutal à son apostolat. En se baignant dans la propriété de M. Khomakov à Toula, à six kilomètres de Moscou, l'Abbé Morel se noie le 11 août 1905 à 18 heures. Il disparait à trente trois ans, l'âge du Christ. Des témoignages d'admiration et d'affection affluent du Monde entier. L' Abbé Morel sera inhumé le jeudi 5 octobre 1905 en présence du Sous-Préfet de Saint-Dié et de nombreuses personnalités. La cérémonie se fit avec toute la solennité que peut comporter l'église provisoire, installée comme on sait dans le bâtiment du marché couvert en attendant l'ouverture de l'église paroissiale récemment reconstruite. Il repose au cimetière de Ban-de-Laveline.